Comment j'ai fait pour travailler avec Chilowé ?
Pas plus tard que l’été dernier je prenais le soleil un partout en France en voyageant en sac à dos. À la recherche d’aventure, de rencontres, de couché de soleil et tout le tralala.
Sympa me direz-vous.
Mais ce n’est qu’une façon de raconter cette histoire.
À rechercher l’aventure, des rencontres, des couché de soleil et tout le tralala, j’y ai surtout trouvé des moments de solitude, d’ennuie, d’inquiétude, de stress, de fatiguer mentale, de remise en question, de déprime, j’en passe et des meilleurs.
Voilà comment je me suis mis à chercher des gens cools pour me remonter le moral.
Quand je suis tombé sur cette photo, j’avais de bonnes raisons de penser qu’ils auraient de la bonne humeur à partager.
Alors, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, je me suis mis à les contacter.
Qui sont-ils ?
Les fondateurs de Chilowé aka la communauté de micro-aventuriers en France. Entendre par là, des gus qui cherchent à inspirer les citadins à partir plus souvent à l'aventure près de chez eux.
Voilà l’idée derrière le projet Chilowé (je ne fais que répéter ce qui est écrit sur leur site).
Cependant, n’ayant absolument aucune compétence à leur offrir, je me devais de ruser. Trouver une bonne excuse
Que peut-on vendre lorsqu’on a rien ?
De l’envie, de l’enthousiasme, un grand sourire pardi !
Ça tombe bien, je ne souris jamais.
La mission est rendue on ne peut plus difficile mais je veux m’entourer de ce type de personnes. Ne dit-on pas que nous sommes les 5 personnes les plus proches après tout ? On dit aussi qu’on peut prédire le comportement d’un chimpanzé en fonction des cinq chimpanzés qu’il fréquente le plus. Si vous ne vous voyez pas travailler avec quelqu’un pour la vie, ne travaillez pas avec lui une journée.
Voici mon message :
Emma, Thibaut et Ferdinand, ça ne peut plus durer. Il est temps que je vous le dise … je suis amoureux de Chilowé. Je sais qu’on n’est pas fait pour être ensemble ! Sans école de journalisme et avec mes claquettes chaussettes, j’ai l’air d’un pochtron. Je sais. Mais l’amour a ses raisons que la raison n’a pas (ou un truc comme ça).
Je viens quand même de marcher des millions de kilomètres sur le GR20. Pour lui montrer que moi aussi je suis un aventurier ! Peut-être pas des millions mais on n’est pas à une vache prés hin. C’était pas une mince affaire avec des chaussures Décathlon à 30 balles sapristi ! J’ai souffert. Sans parler de la vie que je mène en woofing depuis de nombreux mois. Je suis casanier moi à la base bon sang de bonsoir.
Il paraît évident qu’écrire des histoires de foldinguo, je sais faire. En atteste la fois où j’ai pété une durite sur les blogs dans un article : *LIEN*
Bah oui ma pauvre Lucette, ma plume n’est pas la meilleure mais j’ai, à travers mes nombreuses expériences, pris de la bouteille sur des sujets annexes ! C’est le moins que l’on puisse dire. Je sais faire des tartes flambées gratinées, développer une API, je sais qu’il ne faut pas mettre des feuilles de platane dans un compost (mais je ne me souviens plus pourquoi) ou quelques trucs en UX sans trop d’importance.
Bon, s’il faut jouer à celui qui a la plus grosse, cette d’année j’ai fait 25% d’un tour du monde en restant en France, d’après Maps. Mon passage chez *NOM DE LA BOîTE* m’a quelque peu éduqué aux problématiques environnementales. C’est le moins que l’on puisse dire. Aujourd’hui je veux travailler avec d’autres personnes dans la même direction sur un projet qui du sens. C’est pour ça que j’étais un peu enthousiaste en voyant Chilowé.
Quelques jours plus tard je me retrouve avec Ferdinand au téléphone. L’un des deux surfeurs !! Il faut croire que j’ai visé juste.
Pourquoi mon message a fait mouche ?
Tout d’abord, j’ai structuré mon message avec le modèle AIDA. Loin d’être le modèle de prédilection pour cet exercice, équilibrer son message (de quelque manière que ce soit) constitue un fondamental lorsqu’on cherche à convaincre.
1. Attirer l’attention
Soit, tout faire pour se faire remarquer.
Ne sachant pas exactement à qui je m’adresse, je liste les prénoms des fondateurs. À en croire leur page À propos, j’ai de bonnes raisons de croire qu’ils ne sont pas nombreux. Je mets donc toute les chances de mon côté.
D’autant, que s’adresser à son interlocuteur en le nommant est efficace. Essayez d’appeler un chien par son prénom (Ça marche également avec les gosses).
Emma, Thibaut et Ferdinand, ça ne peut plus durer. Il est temps que je vous le dise.
D’un point de vue purement stratégique, avec cette intro, je suis passé d’une relation de type candidat-employeur à ami-ami. Et ce sans même se connaître. Voilà le rôle de ce qu’on appelle un ice-breaker dans le jargon.
Loin d’être magique cependant, cette formule est amenée avec une touche d’humour, sans quoi Emma, Thibaut ou Ferdinand interpréterait ce début de message comme un manque de respect et ne prendrait certainement pas la peine de poursuivre la lecture.
Il ne s’agit pas d’écrire des textes drôles ou mignons mais concevoir la voix et un ton qui convienne au concerné compte tenu du contexte dans lequel il est. Donc il ne faut pas avoir un ton léger, décalé à chaque fois.
Lorsque vous écrivez, tenez compte de l'état d'esprit du lecteur. Sont-ils soulagés d'en finir avec une campagne ? Sont-ils confus et cherchent-ils notre aide sur Twitter ? Une fois que vous avez une idée de leur état émotionnel, vous pouvez ajuster votre ton en conséquence.
Je suis amoureux de Chilowé
Ma déclaration, pour le moins décalée, sert à annoncer mon objectif tout en gardant le ton. Combien de candidats envoient un message pour candidater ? Combien de candidats envoient un message pour déclarer leur flamme ?
Ce faisan, je suis quasiment sûr de remplir l’objectif de ce premier bloc, à savoir attirer l’attention.
Sans école de journalisme et avec mes claquettes chaussettes, j’ai l’air d’un pochtron. Je sais. Mais l’amour a ses raisons que la raison n’a pas (ou un truc comme ça).
Ayant conscience de mes lacunes, mon manque d’expérience criant et ne sachant pas vraiment en quoi je pourrai être utile, je l’avoue. Espérant que mon enthousiasme et ma débrouillardise suffisent.
Les auteurs du livre Rework disent que montrer ses faiblesses constitue une force :
Ils verront la sueur et l'effort dans ce que vous vendez. Ils comprendront mieux ce que vous faites et l'apprécieront davantage. N'ayez pas peur de montrer vos défauts. Les imperfections ont le mérite d'être vraies, et les gens aiment le vrai. Oubliez l'image que vous êtes censé projeter et la manière dont vous êtes censé agir. Montrez-vous tel que vous êtes, avec vos défauts et vos qualités. L'imperfection a sa beauté. Parlez comme vous parlez vraiment. Révélez des choses dont les autres refusent de discuter. Reconnaissez vos défauts. Montrer la dernière version de ce sur quoi vous travaillez, même si elle est imparfaite. Vous semblerez peut-être un peu moins “professionnel” mais beaucoup plus vrai.
2. Susciter l’intérêt
Ou comment réussir à intéresser mon interlocuteur en l’espace de quelques secondes.
Notre attention peut très vite être détournée par un rien. C’est un fait. En témoigne notre capacité d’attention plus que limitée.
Ceux qui créent du contenu doivent craquer la formule permettant à la vidéo d’être vue au moins trois secondes, ou, pour les plus patients, 10 secondes. Car les utilisateurs sont impatients : 30% d’entre eux n’attendent pas la quatrième seconde d’une vidéo Facebook pour quitter, déjà sollicités par d’autres alertes, d’autres liens, d’autres pushs.
Même impatience dans le domaine musical. Deezer ou Spotify ont changé la nature de l’industrie : il lui fallait vendre des disques, il lui faut désormais faire écouter ses titres, au moins pendant 11 secondes. Car la rémunération commence à ce moment.
Quant à Netflix, après avoir joué sur l’enchaînement automatique des épisodes pour créer la dépendance, elle encourage une écriture qui prévoit, dès le quatrième épisode, suffisamment de rebondissements pour que l’on ne puisse plus quitter la série, quitte à tordre le scénario, et perdre en subtilité et en crédibilité.
(Source : La civilisation du poisson rouge)
Pour susciter l’intérêt, j’utilise du concret, des exemples tangibles. En général convaincre requiert deux phases :
Émotionnelle
Logique
Je viens quand même de marcher des millions de kilomètres sur le GR20. Pour lui montrer que moi aussi je suis un aventurier ! Peut-être pas des millions mais on n’est pas à une vache prés hin. C’était pas une mince affaire avec des chaussures Décathlon à 30 balles sapristi ! J’ai souffert.
Sans parler de la vie que je mène en woofing depuis de nombreux mois. Je suis casanier moi à la base bon sang de bonsoir.*
N’ayant cependant pas une idée précise de ce en quoi je pourrai être utile, je présente des expériences, mon enthousiaste, mon énergie. Ces qualités permettent de lever d’éventuels obstacles. A-t-il les compétences ? Il saura apprendre sur le tas, la question ne se pose même pas !
Il paraît évident qu’écrire des histoires de foldinguo, je sais faire. En atteste la fois où j’ai pété une durite sur les blogs dans un article :
Tout en gardant à l’esprit que ce que je fais n’intéresse pas mon interlocuteur, il veut savoir l’intérêt pour lui. Voilà pourquoi je donne un exemple concret d’un article rédigé par ma plume. Ou comment demander implicitement si je pourrais écrire pour chilowé.
avec des chaussures Décathlon à 30 balles
Pourquoi préciser le prix de la paire de chaussures ? Le meilleur moyen d’exprimer ce que pense mon interlocuteur, le mieux est encore d'employer ses mots. Or j’ai vu sur le site de la marque qu’ils aiment les systèmes D et la débrouillardise.
3. Provoquer le désir
L'intérêt est là, mais ça ne suffit pas, il faut donner envie d'aller plus loin.
Il me semble que le désir apparaît lorsqu’on touche à l’émotion. En montrant des exemples d’activités que j’ai eu l’occasion de pratique, je cherche à montrer l’étendu de mes possibilités. Créer le sentiment de rareté. C’est une occasion en or pour lui d’avoir quelqu’un qui soit en phase avec les valeurs de la marque, compétent en rédaction et avec des connaissances transverses.
Bah oui ma pauvre Lucette, ma plume n’est pas la meilleure mais j’ai, à travers mes nombreuses expériences, pris de la bouteille sur des sujets annexes ! C’est le moins que l’on puisse dire. Je sais faire des tartes flambées gratinées, développer une API, je sais qu’il ne faut pas mettre des feuilles de platane dans un compost (mais je ne me souviens plus pourquoi) ou quelques trucs en UX sans trop d’importance.
L’idéal est de parler de ce que je vais leur apporter. Les bénéfices pour eux, en quoi ça va impacter leur vie.
4. Inciter à l’action
Bon, s’il faut jouer à celui qui a la plus grosse, cette d’année j’ai fait 25% d’un tour du monde en restant en France, d’après Maps. Mon passage chez Energic m’a quelque peu éduqué aux problématiques environnementales. C’est le moins que l’on puisse dire.
Je précise que mon tour du monde a eu lieu en France et je parle de Maps et non Google Maps parce que compte tenu des valeurs de la boîte, j’ai de bonnes raisons de penser que l’éthique de Google ne soit pas en alignement avec la marque.
On commence à atteindre un nombre critique de mots. La concentration de mon interlocuteur n’est pas illimitée et surtout ce message doit servir à donner envie sans tout donner. Il est temps qu’il passe à l’action, à savoir me re-contacter.
Aujourd’hui je veux travailler avec d’autres personnes dans la même direction sur un projet qui du sens. C’est pour ça que j’étais un peu enthousiaste en voyant Chilowé.
Je termine mon message comme je l’ai commencé : en parlant de Chilowé + moi. En se projetant ensemble. Complimenter même si ça paraît inutile. Notre ego aime ça.
Conclusion
Je viens de mentir.
Mon message est authentique mais je n’ai absolument pas pensé à tout ça. Je l’ai écrit d’une traite une bière à la main. Sans le relire, bien trop peur de le trouver bête, prendre peur et tout supprimer.
Comment j’ai fait pour travailler avec Chilowé ?
C’est facile de transformer la réalité pour qu’elle nous convienne. Raconter une histoire qui caresse notre ego. Faire croire que je suis super smart (et même bilingue) au point de faire croire que j’ai structuré intelligemment une lettre de motivation.
C’est pas vrai.
Si on veut quelque chose qu’on n’a jamais eu, il va falloir faire quelque chose qu’on a jamais fait.
Maintenant.
Le bon moment n’existe pas.