interviewCancer, VIH, bronchiolite… Le vaccin à ARN messager tient-il ses promesses?

Covid-19 : Cancer, VIH, bronchiolite… « L’arsenal des vaccins à ARN messager est en pleine expansion »

interviewAlors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 débute ce lundi, Palma Rocchi, directrice de recherche à l’Inserm et docteure en biologie, nous parle des avancées en matière de vaccins à ARN messager
Un vaccin Moderna Spikevax contre le Covid-19 administré le 20 septembre 2023 au Texas.
Un vaccin Moderna Spikevax contre le Covid-19 administré le 20 septembre 2023 au Texas. - Melissa Phillip / AP/SIPA
Lise Abou Mansour

Propos recueillis par Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Près de trois ans après la mise sur le marché du premier vaccin à ARN messager contre le coronavirus, ce dernier a-t-il tenu ses promesses ? Vu comme un espoir pour le traitement de nombreuses pathologies, qu’en est-il ?
  • « L’arsenal des vaccins ARNm est en pleine expansion et plusieurs essais cliniques sont en cours pour soigner la bronchiolite, la grippe, le SIDA ou encore certaines tumeurs malignes », avance Palma Rocchi, directrice de recherche à l’Inserm et docteure en biologie.
  • « Comme pour beaucoup de choses, c’est plus une question de moyens car technologiquement, il n’y a aucun verrou », analyse la chercheuse.

Et de cinq : La nouvelle campagne de vaccination contre le Covid-19 débute ce lundi. L’occasion de revenir sur les promesses entourant le premier vaccin à ARN messager contre le coronavirus. Car s’il était vu comme un moyen de sortir de la pandémie, il a aussi été synonyme d’espoir pour le traitement de nombreuses pathologies. Qu’en est-il trois ans après sa mise sur le marché ? Palma Rocchi, directrice de recherche à l’Inserm et docteure en biologie, fait le point pour 20 Minutes.

Pouvez-vous rappeler en quoi consiste un vaccin à ARN messager, et quels sont ses avantages ?

L’ARN messager est une molécule qu'on retrouve dans toutes les cellules du corps humain. Dans la cellule, un système permet de lire l’information codée dans l’ARNm et de la convertir en protéine. Dans le cas du Covid-19, on va injecter chez les patients le message, l’ARN messager, qui va lui permettre de coder la protéine S. Ces patients vont alors se mettre à fabriquer cette protéine S, ce qui va activer leur système immunitaire. Quand le patient sera infecté par le virus, il aura déjà une certaine immunité.

Les avantages de ce type de vaccin sont multiples. D’abord, ils sont plus sûrs que les virus inactivés [des vaccins ne comportant pas de microbe vivant] ou les vaccins par ADN, car ils ne sont pas développés à partir de pathogènes inactivés. Ils ne vont donc pas être infectieux et se répliquer dans l’organisme après injection. Ensuite, il n’y a pas d’adjuvant [substance améliorant leur pouvoir protecteur] contrairement aux vaccins classiques. Et l’ARNm est une molécule naturelle, car on produit nous-même de l’ARN messager dans notre propre organisme.

Ils provoquent également une meilleure réponse immunitaire et sont rapides et faciles à produire. Si on a la séquence du virus, on est capable de faire produire en quelques semaines la protéine chez l’homme. On peut donc aller beaucoup plus vite.

Le développement des vaccins à ARN messager contre le SARS-CoV-2 a-t-il vraiment permis une avancée majeure en matière de recherche médicale, comme cela avait été annoncé ?

Oui, et pour plusieurs raisons. Au début, ce qui a pris du temps, c’était de faire fabriquer en grande quantité le vaccin. Depuis, plein de choses ont été mises en place et on peut produire à l’échelon mondial des quantités très importantes de vaccins en cas de future pandémie.

Il y a eu un regain d’intérêt pour l’ARN messager, qui était méprisé par la communauté scientifique. Ils ont pris conscience de l’intérêt de cette technologie pour l’utilisation dans les vaccins, mais aussi à visée thérapeutique. Il y a des médicaments en oncologie et dans les maladies génétiques qui ciblent l’ARN messager en capturant un ARN messager particulier, ce qui va empêcher ou réduire fortement l’expression d’un gène particulier. Ces médicaments peuvent être produits rapidement et de manière personnalisée.

Concrètement, quelles sont ces avancées ?

L’arsenal des vaccins ARNm est en pleine expansion et plusieurs essais cliniques sont en cours pour soigner la bronchiolite, la grippe, le triptyque grippe covid bronchiolite, le SIDA, certaines tumeurs malignes notamment celles dans le poumon, la vessie, la tête, le cou, le colon, le sein, le mélanome, le carcinome hépatocellulaire. D’autres essais cliniques en cours concernent des maladies rares comme l’acidose, le stockage du glycogène ou la phénylcétonurie. Moderna travaille également sur des vaccins contre d’autres virus tels que les cytomégalovirus, le Virus d’Epstein-Barr, les herpes, la varicelle et les norovirus responsables de la gastro-entérite.

Quand ces vaccins devraient-ils être mis sur le marché ?

Dans les cinq prochaines années, Moderna prévoit de lancer quinze nouveaux médicaments dans des champs thérapeutiques non couverts, dont certains devraient être disponibles dès 2025.

Quels sont les freins au développement de ce type de vaccins ?

Il y a eu une grosse incompréhension autour de ces vaccins. Des personnes les ont assimilés à de la thérapie génique avec une modification de l’ADN de l’individu. L’ARN messager est l’intermédiaire entre l’ARN et la protéine, c’est un peu la photocopie de l’ADN qui montre le code génétique et permet de produire la protéine. Mais l’ARN messager ne pénètre pas dans le génome de l’organisme. Et si c’était le cas, ça se saurait : on produit nous-même de l’ARN messager, donc ça aurait fait des dégâts.

Mais le vrai frein, ce sont les moyens financiers. Pour développer le vaccin contre le Covid-19, une importante quantité d’argent a été débloquée rapidement. Si on fait de même pour une autre maladie, on pourrait avoir les mêmes effets dans quelques mois. Comme pour beaucoup de choses, c’est une question de moyens car technologiquement, il n’y a aucun verrou.

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