Panique aux ministères : « Macron les rend fous, ils sont en train de s’entretuer »
Emmanuel Macron entretient le suspens autour d’un éventuel remaniement, les ministres se battent pour prendre Matignon ou garder leurs postes.
Photo: Emmanuel Macron dans l’émission « C’est à vous » sur France 5 le 21 décembre 2023
Pauvre Sébastien Lecornu. En privé, le ministre des Armées s’agace à chaque nouvel article de presse le présentant comme un éventuel successeur d’Elisabeth Borne à Matignon. Un portrait laudateur dans Le Figaro, une page dans Le Parisien, un édito sur BFMTV… « Pour une promotion au gouvernement, mieux vaut ne pas avoir l’air de quémander le poste », s’amuse un conseiller gouvernemental. Surtout quand le président de la République s’appelle Emmanuel Macron. Le locataire de l’Elysée a lancé les hostilités en « remerciant » les membres du gouvernement pour leur action lors de ses voeux pour la Nouvelle Année dimanche dernier. « Il a déjà balancé les chrysanthèmes sur la tombe de Babou », ricane un ancien conseiller du président. Présentée comme « rincée », l’actuelle titulaire du poste s’est pourtant dépensée sans compter en dégainant comme jamais le 49.3 pour imposer les réformes de son patron. Résultat, deux tiers des Français seraient en faveur de son départ, selon un dernier sondage Elabe pour Les Echos publié opportunément hier soir. « C’est le dernier coup de pelle », persifle un proche du président. « Elle est concentrée sur son job, pas sur des rumeurs », répond au contraire un soutien de la Première ministre. Officiellement, Élisabeth Borne est toujours attendue mardi prochain dans le Pas-de-Calais touché par des inondations.
« Un Premier ministre qui écrit sur l’anus, vous imaginez les titres de la presse? »
En réalité, les tractations se poursuivent en coulisses à l’Elysée. « A priori, ça va se faire entre l'hommage national à Jacques Delors (ce vendredi, NDLR) et lundi », croit savoir un proche du président. Emmanuel Macron a reçu jeudi après-midi Gérald Darmanin après avoir vu François Bayrou et Olivier Dussopt, relate Le Parisien. Le ministre de l’Intérieur a fait savoir son intérêt pour le Quai d’Orsay mais reste une pièce maîtresse pour l’organisation des JO de Paris, suivis de près par le président, selon mes informations. Pour ne pas faire de jaloux, Emmanuel Macron devrait voir Bruno Le Maire ce vendredi. En attendant, les ministres et leurs équipes jouent des coudes pour le poste. Lecornu à Matignon? « Son choix serait un signal fort envoyé à la droite », observe un conseiller de l’exécutif réticent. Le nom du ministre a d’ailleurs soufflé aux journalistes politiques par l’un de ses petits camarades au gouvernement… pour mieux lui savonner la pente. Gabriel Attal? L’hypothèse fait sourire au sein de la Macronie: « Gaby doit finir ses devoirs », ricane un rival du ministre de l’Education nationale. « Si Macron le met à Matignon, c’est pour le tuer politiquement avant 2027 », soupire un ancien conseiller, pas emballé par le tableau. Même petit jeu pour Bruno Le Maire. A peine l’intéressé fait-il savoir qu’il est disponible pour prendre la place d’Élisabeth Borne que l’un de ses collègues rappelle ses exploits littéraires: « Un Premier ministre qui écrit sur l’anus, vous imaginez les titres de la presse? », balance le proche d’un ministre en vue, en référence au dernier ouvrage du ministre de l’Economie comportant des passages osés. Ambiance. Le nom de Richard Ferrand a aussi refait surface, soutenu par les macronistes issus de la gauche qui ne croient plus en la survie de Mme Borne. L’ancien président de l’Assemblée nationale traîne toutefois comme un boulet sa cinglante défaite aux dernières législatives.
L’hypothèse Lecornu, elle, révulse les députés de l’aile gauche de la majorité. « Le nouveau locataire de Matignon doit incarner le « en même temps » et l’esprit de 2017 », affirme une députée macroniste. Qu’à cela ne tienne, le nom de Julien Denormandie circule une fois de plus. Celui qu’Emmanuel Macron appelle son « bébé » a refusé de revenir au gouvernement après les législatives en 2022, faute d’avoir Matignon. « Kohler avait mis son véto, se souvient un conseiller. Mais il est très apprécié par les historiques de la Macronie et il n’est pas clivant. Il faut de l’unité au sein de la majorité ». Autre nom évoqué par la Macronie, Christophe Béchu. Le très (trop?) discret ministre de l’écologie est proche d’Edouard Philippe et secrétaire général du parti Horizon. « Si Macron le nomme, ce sera pour faire chier Edouard », s’agace l’un des soutiens du maire du Havre, qui a senti venir le danger. D’autant que l’une de ses très proches, Agnès Firmin-Le Bodo, demeure engluée dans l’affaire Urgo, risquant de devenir la ministre de la Santé la plus éphémère de la Vè République.
« Macron adore voir les gens se battre pour survivre »
« C’est injuste, Agnès est une femme honnête, la défend un proche. Elle ne mérite pas d’être virée pour quelques cadeaux ». Quelques cadeaux? La ministre est soupçonnée d'avoir reçu pour 20 000 euros de dons sous forme de champagne, smartphones, montres, donnés par le laboratoire Urgo, lorsqu'elle était pharmacienne, au Havre, entre 2015 et 2020. Une affaire qui lui colle à la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock dans Tintin. « C’est pour atteindre Edouard Philippe avant 2027, fulmine ma source, qui affirme que Matignon était « forcément au courant » de l’enquête ouverte en 2021 visant la ministre. Agnès Firmin-Le Bodo a bâti sa carrière sur les traces du maire du Havre, en devenant son adjointe à deux reprises. L’ex-Premier ministre l’a nommée porte-parole d’Horizons, « signe de la grande confiance qu’il lui porte ». Enfin, Emmanuel Macron « enrage » contre les ministres qui ont menacé de démissionner après le vote de sa loi immigration. Pas tant contre Aurélien Rousseau, « qui a eu la décence de partir en accord avec ses convictions », selon lui, que contre Clément Beaune, Roland Lescure, Rima Abdul Malak, Patrice Vergriete ou encore Sylvie Retailleau qui ont laissé filtrer leur manque d’allant pour le texte.
« Le président ne supporte pas la déloyauté », souffle l’un de ses proches. Ces ministres seraient menacés en cas de remaniement, selon plusieurs sources gouvernementales, largement relayés par la presse ces derniers jours. Les concernés montent au créneau pour défendre leur peau: « J’ai envie de remonter sur le ring », assure Clément Beaune au Parisien, ce jeudi alors que Roland Lescure, assure le même jour sur France Inter qu’il a déjà « repris le travail ». « Ils sont gonflés », souffle un proche du locataire de l’Elysée. Dans cette ambiance crépusculaire, tous les coups sont permis. « Ils sont tous en train de s’entretuer », glisse une députée macroniste, médusée par la violence des coups suscités par l’éventuel remaniement à venir. Ce qui ne serait pas pour déplaire au président. « Emmanuel Macron est un darwiniste dans l’âme, il adore voir les gens se battre pour survivre », assure l’un de ses anciens compagnons de route. Paniques dans les cabinets des ministères, dont certains membres ne font même plus semblant: « J’ai déjà commencé à refaire mon CV », textote un conseiller. Un autre a reçu des « consignes de préparation en vue d’une éventuelle passation de pouvoir ». Reste une inconnue: ce remaniement peut-il faire relancer le quinquennat d’Emmanuel Macron? « Il est déjà mort en réalité, tout le monde se bat pour prendre sa place, pense l’ancien conseiller du président: Edouard Philippe, Marine Le Pen, Bruno Le Maire… C’est déjà fini pour lui ».
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